vendredi 26 février 2010

Approche analytique du paradoxe de Fermi

Je pense à la formulation analytique du paradoxe de Fermi proposée par Nicolas Prantzos un chercheur du CNRS :

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I) Notre civilisation n’est pas la seule civilisation technologique dans la galaxie ;
II) Notre civilisation est « moyenne » (typique) à tout point de vue ; en particulier, elle n’est pas la première à paraître dans la galaxie, ni la plus avancée sur le plan technologique, ni la seule à vouloir explorer le cosmos et communiquer avec d’autres civilisations ;
III) Les voyages intersidéraux ne sont pas trop difficiles pour des civilisations légèrement plus avancées que la nôtre ; certaines ont maîtrisé ce type de voyage et ont entrepris un programme de colonisation galactique, avec ou sans robots autoreproductibles(*) ;
IV) La colonisation galactique constitue une entreprise relativement rapide ; elle peut s’achever en moins d’un milliard d’années, ce qui ne représente qu’une faible fraction de l’âge de la Voie Lactée (**).

Si les hypothèses I) à IV) sont valables, la conclusion « ils devraient être ici » s’impose clairement et le paradoxe de Fermi prend tout son sens. Les partisans de ETI (***) infirment l’une au moins des hypothèses III) et IV) ; certains vont même jusqu’à abandonner l’hypothèse II), afin de sauvegarder l’hypothèse de base I). Leurs opposants soutiennent, par contre, que les hypothèses III) et IV) sont parfaitement plausibles et qu’il faudrait certainement rejeter l’hypothèse II) : les plus extrémistes rejettent même l’hypothèse I).

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Trois remarques de ma part :

(*) Von Neumann, bien connu des informaticiens, a proposé en 1951 un modèle théorique de systèmes permettant la conquête automatique de l’univers. Ces machines, dites de Von Neumann, sont des robots capables de se reproduire automatiquement. Ils comportent un système « constructeur » et un système « programme » et se répliquent identiquement à eux-mêmes avec pour objectif de conquérir la galaxie. Evidemment, il ne s’agit que d’un concept et nous ne savons pas encore construire de système autoreproductible, même si les progrès de l’informatique et de l’intelligence artificielle nous permettent de lever un voile sur ce que pourrait être dans le futur une telle réalisation. Néanmoins, Von Neumann n’était pas qu’un visionnaire. A la fin de la deuxième guerre mondiale, il a défini l’architecture de base des ordinateurs et toutes les machines informatiques actuelles ont hérité de ses travaux fondamentaux.

(**) Bien des personnes nomment notre galaxie la Voie Lactée. J’aime bien faire la différence. De la terre, à un instant donné et un lieu précis, nous ne voyons qu’une partie des étoiles de la Galaxie et, de plus, tout le noyau central est masqué par de gigantesques nuages de gaz. Quand on est plongé au sein d’une grande forêt, même clairsemée, on ne peut dire qu’on la voit dans son ensemble parce que l’on aperçoit un horizon de troncs d’arbres. A fortiori, si un mur continu (notre terre) masque l’horizon sur 180° !
Il est impossible de voir notre galaxie dans son ensemble. La voie lactée n’en est qu’une trace bien faible. Seuls des modèles mathématiques permettent de reconstruire l’image que l’on aurait de notre île univers aux bras spiralés. Et si nous étions capables d’en sortir et de la voir alors entièrement … nous pourrions admirer une image semblable à celle de notre belle voisine la galaxie d’Andromède.

(***) ETI (Intelligence Extra Terrestre en anglais ETI). Programme de recherche de contacts extraterrestres, entrepris à partir des années soixante par des scientifiques de tous pays utilisant principalement des radiotélescopes. A ce jour, aucune réception radio confirmant l’hypothèse ETI n’a été détectée. Pour cette raison, même les partisans de cette approche doutent de la validité de certaines des hypothèses du paradoxe de Fermi !

Mais où sont-ils ?

un extrait de Polynesia

La nuit est là. Nous dînons dans le cockpit. Nous sommes tout près d’un motu dont la plage est déserte. Aucune lumière ne filtre entre les cocotiers. Dans notre univers marin, nous sommes seuls, seuls et heureux à bord du Toa Marama. De l’autre côté du lagon, la masse imposante de Tahaa masque une partie d’un ciel étoilé. Bien plus loin vers le sud, on devine, par quelques lumières qui scintillent, la présence de la grande soeur Raiatea.
Je prends les jumelles et vais m’allonger sur le dos à l’avant du bateau. Je reste ainsi un grand moment à contempler le ciel profond, constellé de tant d’autres soleils.
L’amas des Pléiades Mata ri’i, les petits yeux, scintille de ses feux stellaires bleutés, la Croix du Sud me montre l’un des chemins… ‘apa’apa rua manu, deux côtés d’oiseaux.
Sommes-nous seuls dans l’univers ?
Je pense au paradoxe d’Enrico Fermi : « S’ils existent partout, alors où sont-ils ? » et aux nombreuses hypothèses sur cette existence de civilisations galactiques qui en découlent, et agitent si souvent les chercheurs et les autres. Mon regard bascule de l’infini des cieux vers le mystère d’un environnement immédiat. Ici-même, sur le platier corallien de la barrière, rien ne semble bouger… et pourtant…

Sur ce mur de sable recouvert d’un mètre cinquante d’eau où le Toa Marama se repose, passent parfois des êtres étranges, mi-poissons, mi-oiseaux, qui remontent des fonds tout proches et volent dans les flots. L’homme, dans son incommensurable vanité, oublie souvent que des extraterrestres, on en trouve aussi dans les profondeurs marines.
Et si elles étaient venues pour tenter un contact qui depuis la nuit des temps ne se concrétise jamais.
Nageant dans l’eau sous la lune, je les vois évoluant tels de gigantesques oiseaux nocturnes. Trois mantas belles et gracieuses malgré leur masse impressionnante. Je suis à trois ou quatre mètres d’elles. Elles passent et repassent à la frontière de ce mur de sable qui s’interrompt brutalement et plonge vertigineusement à quarante mètres de fond juste derrière nous. Leur vrai domaine est là. Les mystères des profondeurs du lagon de Tahaa leur vont bien. Sous moi, dans la lumière de l’astre de la nuit, le sable prend des colorations gris perle. Derrière elles, c’est la nuit noire des gouffres marins et je ne les perçois alors que par cette discontinuité qui les caractérise, un dos d’un noir de velours, un ventre et des dessous d’immenses nageoires d’un blanc laiteux, légèrement parsemé de quelques taches sombres.
Les humains ne conçoivent pas d’autres consciences que celles d’hypothétiques extraterrestres plus ou moins anthropomorphes. Pour tenter de les découvrir, ils sondent avec leurs radiotélescopes les mystères du vide intersidéral, sans penser un instant que ceux dont ils espèrent un signe pourraient être déjà parmi nous depuis des siècles. Personne n’a jamais décodé le langage des mantas. Elles s’évertuent pourtant, depuis des lustres, à nous conter leur inconcevable passage. Elles ont quitté les abysses originels d’une lointaine planète océane et maintenant, après un voyage incompréhensible pour nous, tentent avec une patience infinie d’établir le contact. De leurs deux nageoires étonnantes, encadrant leur gueule monstrueuse, émanent des flots d’informations énigmatiques, toute une histoire trop différente de la nôtre, une épopée inhumaine et hermétique à la totalité de nos sens. Aucun de nous ne daigne leur accorder une écoute attentive.
Qui sont-elles ? Quel est donc le message ? Que puis-je répondre ?

Mais où sont-ils ?